Sanguinaires ?

Ici, on parle du sang menstruel et des idées reçues qu'il véhicule, au travers d'expressions qu'on entend souvent lorsque l'on est pourvue d'une vulve*. Mais avant d'aborder cela, il faut répondre à cette question : c'est quoi les règles ?
Lors de la puberté (à 12-13 ans en moyenne), la plupart des personnes à vulve voient apparaitre "les règles": du sang qui s'écoule de l'utérus pendant plusieurs jours, et qui vient chaque mois tâcher ta culotte. Ce phénomène correspond à la première étape de ce qu'on appelle le cycle menstruel. Ce cycle est fixé par les scientifiques à 28 jours (comme le cycle de la lune) mais il peut varier d'une personne à l'autre (entre 23 et 36 jours). Il peut aussi changer au cours de la vie d'une personne, ou être irrégulier, notamment quand on est jeune ou stressé.e. Au bout d'un moment (autour de 50 ans), ce cycle s'arrête. C'est ce qu'on appelle la ménopause.
D'où vient le sang des règles ? En fait, au milieu du cycle (autour du 13e et du 14e jour), sous l'impulsion d'hormones, les ovocytes (équivalent des spermatozoïdes) sont créés dans les ovaires et attendent d'être fécondés. Lorsqu'ils ne sont pas fécondés (qu'ils ne rencontrent pas de spermatozoïdes), ils se désintègrent. L'utérus produit alors du sang, qui va permettre de faire sortir les ovocytes désintégrés et t'obliger à porter des protections hygiéniques pour ne pas te tâcher (culottes et cup menstruelles, serviettes, tampons).
Les règles sont donc le signe que tu n'es pas enceinte ! (du moins le plus souvent, car il arrive que des personnes enceintes aient toujours leurs règles).
Maintenant que nous avons clarifié tout ça, regardons au travers d'expressions courantes, les préjugés qui accompagnent ce processus tout à fait normal.
"Tu viens d'avoir tes règles, ça y'est tu es une femme !"
Est-ce que le fait d'avoir ses règles nous définit comme femme ? Non, car on a vu que la biologie ne détermine pas le genre (le genre est social). Même si on voulait retenir le genre pour critère, il existe des femmes qui n'ont pas de règles. C'est le cas des femmes qui utilisent un contraceptif qui suspend leurs règles (ex. implant hormonal, pilules continues), qui sont stériles ou bien ménopausées. Si les règles nous définissent comme femme, alors comment appeler ces femmes qui n'en ont pas ?
L'apparition des règles (ou menstruations) est seulement le signe qu'une personne dotée d'une vulve est en capacité d'enfanter et qu'elle doit se protéger lors de rapports sexuels qui engagent une éjaculation si elle ne souhaite pas tomber enceinte (et bien sûr se protéger des maladies sexuellement transmissibles).
"Qu'est-ce que t'as ? t'as tes règles ?".
Est-ce que les règles, et donc le cycle hormonal, agissent sur l'humeur ? Cette idée est socialement partagée mais actuellement, aucune étude scientifique ne permet de l'affirmer.
Nous savons que les personnes réagissent différemment à leurs règles (ou leur arrivée). Certaines ressentent des douleurs utérines plus ou moins intenses, une activité émotionnelle plus ou moins forte, une libido plus ou moins grande, une gêne. D'autres n'observent pas de changement notoire. Si tous ces cas de figure existent puisque vécus par les personnes, pourquoi chez certaines et d'autres pas? S'il n'y a pas de lien avec le cycle hormonal, serait-ce alors la douleur qui rend grognon, ou bien l'idée de savoir que ses règles approchent ? Nous ne savons pas vraiment. Par contre, nous connaissons les conséquences du tabou des règles : qu'il induit des violences et impacte l'estime de soi et de son corps, ou encore qu'il développe la résistance à la douleur. Concernant la douleur, les scientifiques ont récemment prouvé l'existence de l'endométriose. Cette maladie chronique cause des douleurs à l'utérus et parfois dans le reste du corps, pendant les règles et en dehors (ex. rapport sexuel, aux toilettes, etc.) qui ne se soulagent pas avec du paracétamol. De quoi être bien grognon ! Si tu as l'impression de faire partie de ces personnes, parles-en autour de toi et demande à consulter un médecin.
"Tu as tes règles, on ne peut pas faire l'amour".
Et le sex dans tout ça ? Est-il compatible avec les règles ? Oui, mais ce duo est un très vieux tabou qui persiste encore à beaucoup d'endroits. Tandis que la sodomie envers les personnes à vulve est quasi omniprésente dans le porno mainstream, les rapports sexuels pendant les règles demeurent inexistants, y compris dans les pornos lesbiens. Quant on sait que le porno mainstream répond aux désirs existants en même temps qu'il les fabrique alors on peut dire qu'il entretient et transmet l'idée que le caca est moins tabou que le sang. Étonnant n'est-ce pas ? Pourtant le sang des règles est bien plus propre ! Seulement, il diffère un peu du sang qui coule dans nos veines car il s'enrichit d'autres choses, telles que la flore bactérienne qui protège le vagin ou des cellules souches.
Brisons tout de suite le tabou autour des règles : il est possible d'avoir une activité sexuelle pendant, et ce, de plein de façons différentes ! Tout est question de ressenti et de consentement. Il existe des personnes qui ont des douleurs et qui ne peuvent pas éprouver de désir ou de plaisir, d'autres qui ont la sensation d'avoir beaucoup de libido, des personnes qui trouvent que le sang est un parfait lubrifiant, d'autres encore qui préfèrent les pratiques orales sur la partie externe du clitoris (les tampons et les cup sont bien pratiques pour ça !) ou la sodomie. La question est alors de savoir : toi, en fonction des moments, tu préfères quoi ? et de ne jamais te forcer pour faire plaisir à ton ou ta partenaire.
Pour aller plus loin :
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L'épisode Cachez ce sang dans Libres, d'Ovidie.
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Les règles c'est plus tabou! dans l'émission La Maison des maternelles, avec Élise Thiebaut (autrice de Ceci est mon sang) et Anna Roy (sage-femme).
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La bande dessinée Les règles... quelle aventure ! d'Elise Thiébaut et Mirion Malle aux éditions La ville brûle.
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La série de Podcasts : Rouge comme les règles, de LSD la série documentaire.
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Le site Règles abondantes pour t'aider à identifier ton flux menstruel et à remarquer un problème.
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L'article de prévention de l'Observatoire de la santé sur les risques d'usage de certaines protections hygiéniques (choc toxique).
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Une vidéo YouTube de Clemity Jane sur les différentes méthodes de contraception.
* A l'exception des personnes intersexes qui peuvent avoir une vulve sans l'appareil reproducteur qui lui est communément associé.