Bananana na na... Banana clit !
La pénétration, c'est central ?

Avec Banana clit, on questionne la centralité de la pénétration dans la sexualité hétéro.
Traditionnellement, on associe la perte de virginité à la pénétration. C'est le cas dans beaucoup de cultures où l'hymen (membrane du vagin) doit rester intact pour attester de la virginité des femmes.
Dans beaucoup d'endroits et particulièrement chez nous, on estime que la pénétration doit être préparée par ce qu'on appelle communément "les préliminaires". Ainsi, les caresses, le sex oral, les jeux de rapprochements, les échanges de paroles ou les débats intellectuels (cf. sapiosexuels), c'est-à-dire tout ce qui participe au paysage de l'excitation sexuelle ne serviraient qu'un seul but : la pénétration.
La pénétration n'est pas LE rapport sexuel ou bien la pratique la plus importante. Le terme de "préliminaires" est à bannir du vocabulaire car toutes les pratiques qui visent à s'exciter ou exciter l'autre participent de l'acte sexuel.
Les statistiques montrent que les personnes à vulves ont plus de mal à atteindre l'orgasme avec la seule pénétration et qu'au sein du couple hétéro, une personne sur deux souhaiterait plus de pratiques en dehors de la pénétration. Les statistiques montrent aussi que les sextoys qu'elles apprécient le plus ne sont pas des godemichets.
Pourtant, la pénétration est souvent considérée comme le but ultime des rapports sexuels entre hétéros. Elle reste omniprésente dans le porno mainstream (qu'elle soit vaginale ou anale) et bien souvent, le rapport s'arrête une fois que le partenaire a éjaculé. Cette conception a des conséquences importantes chez les personnes des deux sexes.
Du côté des personnes pourvues d'une vulve, il a été prouvé qu'au bout d'un an de vie conjugale dans un couple hétéro, elles s'ennuient au lit. Etant donné que la pénétration est la notme, elles culpabilisent et ont honte de ne pas prendre du plaisir ou de ne pas jouir par ce biais (la fameuse interrogation : "suis-je normal.e ?"), et bien plus encore pour les personnes atteintes de vaginisme, un trouble qui empêche toute pénétration vaginale. Considérées comme "passives", elles devraient toujours être pénétrées par un partenaire "actif", et attendre de lui qu'il initie le rapport sexuel (ce qui place ce dernier en situation de demande constante). Enfin, lorsqu'elles sont victimes d'une agression sexuelle qui n'engage pas de pénétration, leur parole est mise en doute.
Chez les personnes pourvues d'un pénis, si la pénétration vaginale constitue neuf fois sur dix un moyen efficace pour atteindre l'orgasme, sa centralité dans l'acte sexuel leur met une pression énorme : il leur faudrait un gros pénis, des érections sur commande, une endurance sans bornes, etc. peu importe leur anatomie, leur âge. Les personnes avec des troubles de l'érection sont invitées à prendre du viagra pour avoir des rapports sexuels dignes de ce nom alors qu'il suffirait simplement d'explorer d'autres pratiques. Quant aux personnes qui entrent dans la norme, elles ont tendance à tout miser sur la seule pénétration vaginale*, et on comprend l'ennui de leur partenaire quand on sait que seulement 26% des femmes hétérosexuelles atteignent l'orgasme par ce biais.
Autrement dit, si on s'en tient aux faits, déconstruire la centralité de la pénétration dans les rapports sexuels est d'intérêt public. L'idée n'est pas de bannir cette pratique si nous l'aimons, mais de faire preuve d'un peu plus de créativité pour en faire une option parmi d'autres. On ne le dira jamais assez : la diversité, c'est la base et il n'y a pas forcément besoin d'aller vers des pratiques extrêmes pour tuer l'ennui ou augmenter le plaisir.
Pour aller plus loin
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Le livre Jouissance Club de Jüne Pla pour un peu plus de créativité dans ta sexualité dont certaines pratiques sont trouvables sur son compte Instagram.
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Le livre Sortir la tête du trou de Maïa Mazaurette présenté ici par l'autrice.
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Le livre Au-delà de la pénétration de Martin Page dont tu peux retrouver des éléments dans un petit entretien qui lui est accordé ici et dans ce podcast de Victoire Tuaillon.
* Seulement 22% des hommes hétéros ont déjà été pénétrés par leur partenaire (Ifop 2019).
Sources :
Ifop, Où en est la vie sexuelle des françaises ? (2019).
Ifop, CAM4, Enquête internationale sur les femmes et l'orgasme (2015)